Cryptographie post-quantique : enjeux et perspectives
Vers une cybersécurité post-quantique
Une puissance de calcul inégalée : telle est la principale promesse de l’informatique quantique. Une capacité de traitement sans pareil, ouvrant la voie à des avancées majeures dans les domaines des sciences et de l’industrie, mais également des brèches critiques de sécurité pour nos infrastructures numériques.
En quelques minutes, les ordinateurs quantiques peuvent résoudre des problèmes mathématiques fondamentaux que nos superordinateurs actuels mettraient des années à traiter. Or, ce sont ces mêmes problèmes qui constituent aujourd’hui la base de nos algorithmes cryptographiques. Une vulnérabilité qui remet directement en question la protection des échanges de données, parmi lesquelles nos transactions financières, mais également l’ensemble des communications et données gouvernementales ainsi que nos données personnelles.
Face à ce défi majeur, une solution technologique émerge : la cryptographie post-quantique (PQC).
Vers l’avènement de nouveaux algorithmes cryptographiques
Pour répondre à la menace quantique, les experts de la cybersécurité se préparent à un basculement vers un nouveau genre de systèmes de cryptographie dit « post-quantiques ». Le fondement de ces systèmes PQC repose sur des algorithmes cryptographiques conçus pour résister aux capacités de calcul des ordinateurs quantiques car utilisant des problèmes mathématiques plus complexes que ceux des systèmes actuels. Néanmoins, la transition vers ces nouvelles méthodes cryptographiques soulève des défis techniques considérables ; l’écart entre conception théorique et déploiement opérationnel s’avérant plus important que prévu.
La transition vers la PQC : un défi considérable
Au-delà de l’élaboration et de la validation scientifique des nouveaux algorithmes cryptographiques, la migration vers les technologies de cryptographie post-quantique nécessite leur intégration méthodique dans l’ensemble des infrastructures numériques existantes. Cette transition représente un défi majeur, mobilisant toutes les strates des systèmes d’information.
Un enjeu organisationnel et réglementaire
La révolution de la cryptographie post-quantique impose aux organisations – entreprises comme institutions – d’auditer leurs systèmes de sécurité. Cela pour identifier les vulnérabilités face à la menace quantique et aux risques d’attaques. Surtout, cela leur permet de planifier les solutions et mises à niveaux nécessaires pour les éviter. Une adaptation technique qui s’accompagne d’importants défis en termes de gouvernance et de conformité.
Le mouvement est déjà bien amorcé aux États-Unis, où comme l’explique Ludovic Perret, Professeur au sein du Laboratoire de Recherche de l’EPITA (LRE) :

« En 2035, les administrations et entreprises américaines n’auront plus le droit d’utiliser la cryptographie actuelle. »
En Europe, si la réglementation progresse plus graduellement, l’Union européenne incite néanmoins ses États membres à élaborer des feuilles de route pour cette transition critique. À ce titre, elle a d’ailleurs émis plusieurs recommandations à suivre.
« Se positionner en premier sur ces sujets est stratégique. Sinon, nous, Européens, risquons de prendre un retard considérable, comme sur l’intelligence artificielle. »
Ludovic Perret
Parallèlement, des collaborations entre chercheurs et industriels se multiplient, visant à développer et déployer des standards post-quantiques qui allient sécurité théorique et compatibilité avec les infrastructures existantes.
Le défi éducationnel
La formation d’une nouvelle génération de spécialistes constitue un élément fondamental pour répondre aux défis techniques, technologiques et organisationnels induits par l’avènement de l’informatique quantique.
Dans cette perspective, l’EPITA a développé depuis 2022 une majeure spécialisée en « informatique et technologies quantiques« , dirigée par Axel Ferrazini, diplômé de l’établissement en 2002. Son objectif est clair : former les ingénieurs capables d’appréhender, développer et déployer les technologies quantiques. Un programme ambitieux, parmi les plus complets en Europe, qui connaît une progression significative de ses effectifs : + 67 % en une année. Preuve de l’intérêt croissant et du potentiel de développement de ce champ disciplinaire.
L’effort de formation s’étend également au-delà du cursus initial. SecureSphere, le centre de formation continue de l’EPITA, propose ainsi des modules spécialisés en cryptographie post-quantique à destination des professionnels souhaitant développer leur expertise dans ce domaine émergent.
Une démarche vertueuse, qui répond aux besoins immédiats du marché et de ses organisations, tout en s’emparant des défis futurs de la cybersécurité.
La nécessaire coordination entre les acteurs du secteur
Face aux défis croissants de la sécurité numérique, la coordination entre formation académique et organisations professionnelles devient absolument indispensable. Cette synergie constitue le fondement même de l’approche de l’EPITA. Sans cette collaboration étroite, les solutions et réponses aux menaces émergentes risquent de rester fragmentées et insuffisantes.
L’EPITA développe ainsi des partenariats stratégiques avec des acteurs majeurs du secteur comme l’entreprise innovante Astran. Cette dernière, fleuron français de la cybersécurité, collabore étroitement avec le Laboratoire de recherche (LRE) de l’école. Leur projet commun vise la conception de nouvelles primitives pour contrer la menace quantique et répondre aux besoins industriels.

Cette approche technique s’inscrit dans une vision plus large où la sécurité numérique concerne l’ensemble de la société. C’est dans cette logique que la collaboration s’étend également aux institutions publiques comme la Gendarmerie nationale. Ce partenariat a donné naissance à une thèse explorant les applications quantiques en forensique numérique.
« Les criminels utilisent aujourd’hui des techniques de plus en plus avancées. L’enjeu pour la Gendarmerie nationale est de trouver des moyens plus puissants, y compris, quantique, pour y faire face. », explique Ludovic Perret, superviseur de la thèse.
Ces initiatives enrichissent directement les formations de l’école en offrant aux étudiantes et étudiants un accès privilégié à des problématiques concrètes.